« LAMARCKIENS » et « DARWINIENS » A TURIN (1812-1894)
Dans sa communication documentée concernant la diffusion des idées de Charles
Darwin et des doctrines évolutionnistes en Italie, le Pr Giuseppe Montalenti a
mis l'accent sur les événements politiques, philosophiques, et plus généralement
culturels, qui, depuis les premières décennies de notre siècle, ont opposé un
obstacle important à l'approfondissement des études et des recherches dans le
domaine de la biologie évolutionniste. La philosophie idéaliste et les courants
de pensée qui lui succédèrent, prenant toutefois leur point de départ théorique
dans l'idéalisme de Giovanni Gentile et les doctrines de Benedetto Croce, ont
été prédominants : ceci a certainement exercé une influence négative, et qui
n'est pas encore tout à fait surmontée, sur le développement de secteurs
importants des sciences physiques et naturelles en Italie. Contrairement à ce
qui se passait en Italie, la recherche philosophique, effectuée dans plusieurs
pays d'Europe et aux Etats-Unis, se posait le problème des conséquences
possibles du grand développement de la science et de la technique contemporaine
sur les plans épistémologique, gnoséologique et éthique. Depuis les années 30,
Gaston Bachelard invitait les épistémologues et les philosophes à analyser avec
des instruments adéquats les grandes « révolutions » philosophiques, implicites
et souvent cachées, dans tout grand changement conceptuel, à l'intérieur des
sciences physiques et naturelles. Dans la culture française, d'importants
secteurs de la recherche philosophique ont prêté attention aux fondements
épistémologiques des sciences physiques et naturelles, et ceci a contribué de
façon déterminante à donner une nouvelle vigueur à l'étude du développement
historique de la pensée scientifique.
En Italie, au cours de la première moitié de ce siècle, les courants
philosophiques dominants prêtaient peu d'attention aux problèmes de
l'épistémologie moderne, et l'histoire de la pensée scientifique rencontrait de
sérieux obstacles tant au niveau culturel qu'au niveau institutionnel. C'est
seulement en 1980 que l'Université italienne a pourvu à l'institution des six
premières chaires destinées à l'enseignement de l'histoire de la science. Des
savants et des philosophes, tels que Federico Enriques et Aldo Mieli, avaient
prodigué leurs efforts, pendant les premières décennies du siècle, pour éveiller
l'intérêt de leurs collègues pour l'histoire de la science ; ils trouvèrent en
France, et à Paris en particulier, un climat politique et culturel plus
favorable à leurs initiatives éditoriales et institutionnelles.
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